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Centre virtuel de ressources

Observatoire des Risques Psycho Sociaux au sein de la Fonction Publique Territoriale Centre virtuel de ressources

Conditions de travail : l’administration peut largement mieux faire

 

 

Télécharger Livre blanc 2014 RPS

 

Après un premier Livre blanc, en 2012, sur la souffrance au travail des fonctionnaires, la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF), qui regroupe notamment le syndicat de territoriaux SA-FPT et le syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire prépare une seconde étude sur leurs conditions de travail. Assortie de nombreux témoignages et textes de référence, elle sera publiée mi-juin.

 

Ils ont choisi la date du 15 mai pour présenter leur travail. Une façon, jugée plus constructive par la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF), (1), de se démarquer du mot d’ordre de grève lancé ce jour-là par les autres organisations syndicales de fonctionnaires.

Suite à un premier Livre blanc sur la souffrance au travail, publié par la FGAF en novembre 2012, de nouveaux témoignages et points de vue, accompagnés de nombreuses références, vont être publiés le 16 juin dans un second livre blanc sur « Les conditions de travail des fonctionnaires et des agents publics ».

 

Défaut d’écoute - Assez remontés sur la qualité du dialogue social dans la fonction publique, ils estiment que leur précédent travail sur la souffrance au travail a été trop peu pris en compte. « Madame Lebranchu (ministre de la fonction publique, Ndlr) n’a pas daigné reconnaître la qualité de notre travail », déploreFrançois Portzer, secrétaire général de la FGAF, également président du Snalc-FGAF, syndicat de professeurs des écoles, des collèges, des lycées, qui a envoyé, le 7 avril, une lettre ouverte à Manuel Valls intitulée « Quel dialogue social pour la fonction publique d’Etat ? Deux mesures d’urgence ».

 

Ce que sa fédération estime être un défaut d’écoute des agents est décortiqué dans l’ouvrage de 384 pages à paraître le 16 juin. Après l’inventaire de 2012 sur les symptômes et effets de la souffrance au travail, ses auteurs demandent que soit mis en place un « système de gestion de la sécurité et de la santé au travail » qui témoignerait d’une meilleure prise en compte des difficultés auxquelles sont confrontés les agents dans l’exercice de leurs métiers.

 

Violence au travail et sentiment d’injustice - Pour l’instant, prenant au mot les consignes d’évaluation des performances de l’administration, ils la notent d’un petit 2,6 sur 10. « La place laissée à l’initiative constructive est inexistante » estime José Razafindranaly qui suggère une approche intégrée plus globale que la seule prise en compte, dans de récents accords, des risques psycho-sociaux, du harcèlement ou de l’égalité professionnelle.

 

Exemple de surdité de l’administration, selon ces représentants syndicaux, l’absence de mention du taux d’actes de violences physiques envers le personnel dans le bilan social des ministères. « La quasi-totalité des témoignages met en exergue des situations de violence au travail, associées à un très puissant sentiment d’injustice. Ce sont des situations de violence vécue ou ressentie qui suscitent de la souffrance et contribuent à la dégradation de la santé », précise José Razafindranaly, commissaire divisionnaire honoraire, membre du Syndicat national des commissaires de police, qui a coordonné l’étude et parle de « violence latente, diffuse, insidieuse, insupportable car elle vient de la hiérarchie qui devrait protéger les agents ».

 

Le dialogue social : une politique publique à part entière - A partir du constat de carence d’un dispositif d’accompagnement et de soutien et d’une évaluation du dispositif de concertation, la FGAF revendique un dialogue social qui serait considéré comme une politique publique à part entière.

 

« Reconnaitre que la qualité de la fonction publique est une politique publique à part entière sur laquelle le Parlement peut exercer son contrôle sur la base de l’article 24 de la Constitution serait un bond révolutionnaire », estime José Razafindranaly. « On est comme dans un navire ou il n’y a pas d’évaluation des moyens de définir la trajectoire », décrit de son côté Michel Durand, secrétaire général du Syndicat national des inspecteurs des finances publiques, également membre de la FGAF.

 

Le droit européen, plus protecteur des conditions de travail – Dans ce panorama critique, à quelques jours des élections européennes, le cadre réglementaire européen en matière de conditions de travail est appelé à la rescousse par la FGAF. Jugées plus protectrices mais insuffisamment connues, ses références sont :

  • l’article 31 du titre IV de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur les « conditions de travail justes et équitables »,
  • les articles 151 à 161 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dont l’article153 sur l’information et la consultation des travailleurs,
  • ainsi que la directive cadre 89/391/CEE du conseil du 12 juin 1989 sur l’amélioration de la santé et la sécurité des travailleurs au travail,
  • et différentes directives multisectorielles, notamment sur la violence de tiers et le harcèlement au travail et sur un service de qualité dans les administrations des gouvernements centraux.

« Le droit européen est protecteur à condition de le savoir » rappelait encore José Razafindranaly, le 15 mai, lors de la présentation du Livre blanc.

 

La qualité de l’autorité hiérarchique, comme condition du bien-être au travail - La confédération européenne des syndicats indépendants (CESI), qui regroupe 41 organisations, et dont la FGAF fait partie à l’échelle européenne, a consulté ses membres sur les mesures prioritaires à prendre dans ce domaine de l’amélioration des conditions de travail.

 

Les témoignages pointent la qualité de l’autorité et l’existence de conditions satisfaisantes de sécurité comme deux points essentiels. Dans l’une de ses nombreuses propositions, la FGAF retient, pour la fonction publique, le bon exercice de l’autorité statutaire, qui doit selon cette organisation, prendre des décisions, protéger les personnes qu’elle dirige, assumer ses responsabilités et avoir une vision.

 

Focus

 

« Des cadres qui souffrent mais ne le disent pas »

Déborah Infante-Lavergne, vice-présidente du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV) (2)

 

« C’est très compliqué pour nous qui travaillons dans le domaine de la santé publique vétérinaire de parler de souffrance au travail. Notre organisation syndicale a fait trois enquêtes depuis 2008 pour trouver les raisons de la souffrance des cadres dans le secteur sanitaire. La plupart du temps, les raisons sont très concrètes. Avec la réduction des effectifs, dans la fonction publique, les agents n’ont plus le temps de réfléchir. Dans une société où l’on sécurise tout ce qui est fait, on met en place tellement d’outils de reporting et de suivi que les agents passent leur temps à remplir des tableaux.

 

Outils informatiques inadaptés - Les difficultés ont grandi depuis que notre administration a supprimé l’usage de la suite Office au profit des logiciels libres Open Office. Les agents passent un temps fou à essayer de rendre compatibles ces outils. Dans des services où les effectifs ont été réduits de 20 %, des agents consacrent une heure et demi à essayer d’ouvrir un tableur alors que cela leur prenait cinq minutes auparavant.

 

Avant de partir en mission, ils doivent remplir cinq ou six formulaires sur ces logiciels incompatibles entre eux, ce qui les obligent à tout ressaisir : l’un de suivi de l’activité, l’autre d’utilisation de leur temps, un autre de frais de déplacement, un quatrième au retour pour informer le ministère de l’agriculture, un cinquième pour la direction des fraudes, etc. Ils passent ainsi plus de temps à expliquer ce qu’ils font qu’à faire.

 

Une collègue qui partait à Bruxelles pour une négociation sur le bien-être animal a ainsi passé trois heures pour obtenir son billet de train. Un autre passe autant de temps à remplir ses agendas professionnel et personnel car l’agenda professionnel n’est pas compatible avec celui d’un téléphone mobile…

 

On nous dit qu’il faut réduire les effectifs. Or ce n’est pas de réduction d’effectifs dont on a besoin, mais de travailler intelligemment. Cela devient très lourd à gérer. La fusion de 2010, dans le champ de la sécurité sanitaire, fait que nous dépendons de trois ministères. Chacun veut de l’information pour son ministre sans qu’il y ait de logique de compatibilité entre les logiciels utilisés. Ce qui pouvait passer dans un contexte de « vaches grasses » avec pléthore de moyens ne passe plus aujourd’hui.

 

Il est en outre très compliqué d’essayer d’impliquer des agents dans une réorganisation administrative quand il n’y a pas la volonté de leur simplifier la vie au travail. On ne peut pas, au moment où l’on réduit les effectifs complexifier la vie des agents. Quand il y a trois comptes rendus différents à faire, des agents, consciencieux, abandonnent ou viennent travailler avec leur ordinateurs personnels pour pouvoir utiliser Excel, ce qui peut inquiéter en termes de sécurité.

 

Dans nos enquêtes, le sujet informatique revient sur toutes les lèvres. Nous ne sommes pas contre les reporting mais cela ne peut pas se faire de manière excessive, au risque, avec la réduction d’effectifs, de ne plus faire notre travail. Dans l’une des enquêtes, sur une échelle de un à cinq, 16 % des cadres vétérinaires se positionnent sur les deux derniers échelons pour exprimer leur malaise au travail. Et 3 % disent qu’ils ont recours à une aide médicale pour faire face à leur travail. C’est une population de cadres qui souffre mais ne le dit pas ».


Télécharger  Livre blanc 2014 RPS

http://www.lagazettedescommunes.com/234895/conditions-de-travail-ladministration-peut-largement-mieux-faire/

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