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Centre virtuel de ressources

Observatoire des Risques Psycho Sociaux au sein de la Fonction Publique Territoriale Centre virtuel de ressources

Espagne, RPS à la mairie de Grenade

Les salaires des fonctionnaires espagnols seront à nouveau gelés en 2012, a annoncé vendredi la porte-parole du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, dans le cadre de vastes mesures d'austérité visant à réduire le profond déficit public, estimé à 8% du PIB.

 

Entretien avec Jesús Ambel. Psychanalyste. Psychologue de la Mairie de Grenade.

Membre de la Escuela Lacaniana de Psicoanálisis (Espagne) *

 La Mairie de Grenade vient de rendre publique un nouveau service pour les fonctionnaires qui a reçu le nom de Cabinet d’Accueil au Personnel (1). Il s’agit d’un groupe interdisciplinaire de professionnels chargés de donner un soutien aux fonctionnaires qui le souhaitent, coordonné par un psychologue.

Quel est le but du Cabinet d’Accueil au Personnel ?

Orienter et traiter le malaise des fonctionnaires de la Mairie de Grenade dans toutes les situations personnelles, familiales, sociales et du travail qui, par leur complexité, ont besoin d’une intervention technique. L’accent est mis sur les difficultés du rapport et du lien social qui répercutent dans les rapports du travailleur, sa famille et l’organisation propre de la Mairie. Il s’agit d’une série de symptômes relationnels qui, d’autre part, le fonctionnaire partage avec le public qu’il accueil. Tous les deux, fonctionnaire et public, sont finalement des habitants de l’hypermodernité. Comme J.-A. Miller le dit, le maître antique prenait soin de l’esclave, le maître moderne l’angoisse.

 A qui s’adresse-t-il?

Nous sommes 1600 personnes à travailler dans la Mairie de Grenade. C’est un échantillon assez représentatif de la société grenadine. Le malaise du corps municipal est, de ce fait, un reflet du malaise général de la population. Un auteur français dont je recommande la lecture, Jean Claude Milner, parle de « mal-vivre ». C’est que les liens de solidarité entre les fonctionnaires n’existent presque plus, le discours social des « droits des usagers » commande sur les moyens dont on dispose et alors le capital émotionnel de celui qui rend service s’épuise et apparaissent ainsi les signes cliniques de ce qui ne va pas : angoisse, dépression, maladies organiques, absences au travail prolongées… Peu à peu aussi la sphère familiale se voit affectée, les rapports sociaux se dégradent.

Comment l’idée a-t-elle surgie?

Il reste encore des fonctionnaires de vocation. Ce sont eux et les syndicats de la Mairie qui ont le mérite que ce service ait vu le jour. Cela fait des années qu’ils disaient qu’il fallait faire quelque chose avec les plaintes, les demandes, avec l’aspect subjectif des revendications, avec le situation de détresse, de ne pas avoir quelqu’un avec qui parler de leurs questions. Ils ont été les témoins de comment beaucoup de travailleurs ont souffert et ils ont vu comment leurs postes de travail devenaient un enfer, loin de l’ancien idéal de l’Administration Publique comme un havre de paix et de bien-être. La corporation actuelle a eu la sensibilité et la sagesse de parier sur un service ouvert aux pratiques de la parole et de l’écoute. C’est pour cela qu’elle mérite la reconnaissance et l’applaudissement. Maintenant c’est à nous de démontrer que cette interprétation a été la bonne. 

Qui compose l’équipe ?

En principe le Cabinet avait été conçu avec un travailleur social, un agent administratif et un psychologue. Mais je n’écarte pas l’idée de devoir compter avec plus de personnel dans un avenir proche. Etant donné le nombre d’interventions que nous somme menés à faire, une certaine polyvalence du personnel est exigée et, surtout, une grande capacité d’écoute et de respect pour la singularité de ceux qui viennent pour être reçus. Parfois il s’agira de quelques consultations, d’autres fois il sera question d’obtenir des effets thérapeutiques rapides parce que, étant donne la tendance actuelle à l’homogénéisation et aux pratiques standardisées, le sujet trouve un soulagement thérapeutique du moment où il se sent écouté et la dignité du symptôme dont il souffre lui est rendue.

Quelle est la nouveauté apportée par cette initiative ?

Nous sommes arrivés un peu tard face à l’absurdité que constitue la vie personnelle et du travail de certains de mes collègues. Pour l’instant je me considère satisfait de pouvoir faciliter la rencontre avec eux, dans un cadre de confidentialité et du respect des singularités. Dans le milieu du travail, le symptôme d’un sujet sert à connaître comment fonctionne une organisation déterminée, il garde la forme complexe du monde où il a été constitué, il est comme un monument, une invention du sujet face à l’insupportable. Dans le milieu du travail, le symptôme prend la forme d’un « je ne peux pas », une formule d’arrêt, comme dit J.-A. Miller.
Comme vous pouvez l’observer, je laisse en dehors des taches du Cabinet l’obligation d’être heureux, l’usage de la parole dans un ton impératif, la tendance à l’objectivation de la souffrance, les protocoles et les questionnaires et j’ouvre une porte à l’humain et au personnel.

En tant que psychologue, quelles répercutions a ceci dans la Psychologie ?

Il s’agit d’un petit grain de sable dans la bataille que nous avons avec les grandes corporations pharmaceutiques dans leur alliance avec l’appareil de l’Etat et avec quelque petit personnage raspoutinien amant des couloirs ministériels. Encore une fois, le responsable du Cabinet d’Accueil au Personnel de la Mairie de Grenade fait objection à la normo-praxis.

 (*) Cette interview est apparue dans la page officielle du Colegio Oficial de Psicólogos, en Mars 2006.
(1)Gabinete de Atención al Personal

 

http://www.souffrancesautravail.org/

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